Double matérialité : l'analyse des impacts, risques et opportunités

Publié le mardi 15 octobre 2024

Avec l'entrée en vigueur de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), les entreprises en Europe doivent intégrer une analyse de double matérialité au sein de leur rapport de durabilité. Ce concept, central aux European Sustainability Reporting Standards (ESRS), exige des entreprises qu'elles évaluent l'impact de leurs activités sur l'environnement et la société, ainsi que les effets des enjeux de durabilité sur leur performance financière.

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Qu'est-ce que l'analyse de double matérialité ?

La double matérialité est un cadre d'analyse qui examine deux dimensions de matérialité :

  1. La matérialité financière : cette dimension s'intéresse aux impacts des enjeux de durabilité (comme le changement climatique, les risques environnementaux ou les évolutions sociétales) sur la performance financière de l’entreprise. En d'autres termes, elle évalue comment les questions de durabilité peuvent influencer la situation économique, la valeur à long terme ou les perspectives de croissance de l'entreprise.
  2. La matérialité d'impact : Cette dimension examine les impacts des activités de l'entreprise sur l'environnement, les ressources naturelles, le climat, et la société en général. Il s'agit de déterminer dans quelle mesure les opérations de l'entreprise ont des répercussions positives ou négatives sur ces aspects, au-delà de la simple performance financière.

L'analyse de double matérialité nécessite donc de prendre en compte à la fois la perspective interne de l'entreprise (comment les enjeux de durabilité affectent l'entreprise elle-même) et la perspective externe (comment les activités de l'entreprise affectent le monde qui l'entoure).

Pourquoi l'analyse de double matérialité est-elle cruciale avec la CSRD ?


La CSRD impose aux entreprises de réaliser une analyse de double matérialité pour assurer un reporting complet et pertinent. Ce cadre d’analyse permet de répondre aux attentes des parties prenantes, qui souhaitent désormais comprendre non seulement l’impact environnemental et social des entreprises, mais aussi les risques financiers auxquels elles peuvent être exposées en raison des défis de durabilité.

Avec la double matérialité, les entreprises peuvent :

- Identifier et hiérarchiser les enjeux ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) pertinents, à la fois pour leurs performances financières et leur impact sociétal.

- Renforcer la transparence : en fournissant des informations détaillées sur les deux types d'impacts, les entreprises améliorent la transparence et la crédibilité de leurs rapports de durabilité.

- Répondre aux attentes réglementaires : en intégrant la double matérialité dans leur reporting, les entreprises se conforment aux exigences de la CSRD et des standards ESRS.

- Anticiper les risques et opportunités : L'analyse permet d’identifier les risques liés aux enjeux de durabilité et les opportunités de développement durable, afin de les intégrer dans la stratégie de l’entreprise.


Les étapes de l’analyse de double matérialité

Les normes ESRS n’imposent aucune méthode spécifique pour conduire une analyse de double matérialité. En effet, une approche unique ne saurait convenir à toutes les entreprises, en raison des variations importantes liées à leurs secteurs d’activité, leurs structures organisationnelles, leurs zones géographiques d’exploitation et la complexité de leurs chaînes d’approvisionnement.

On peut toutefois dégager trois grandes étapes nécessaires pour y parvenir : comprendre le contexte, identifier les enjeux ESG et sélectionner les enjeux ESG matériels.

1. Comprendre le contexte

La première étape consiste à bien comprendre le contexte dans lequel évolue l’entreprise. Cela inclut l'examen des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) spécifiques à son secteur d'activité, ainsi que les attentes des parties prenantes internes et externes. Pour cette étape, il peut être utile de se référer à des normes reconnues, comme les objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU, les lignes directrices de la GRI, ou les standards ESRS.

L'objectif est de bien saisir les impacts, risques et opportunités liés à la durabilité, tant pour l’entreprise que pour la société. Cette compréhension permettra de structurer l'analyse de double matérialité et de poser les bases pour identifier les enjeux les plus pertinents.

2. Identifier la liste des enjeux ESG

Une fois le contexte établi, il s'agit de dresser une liste exhaustive des enjeux ESG potentiellement pertinents pour l'entreprise. Cette liste doit inclure les risques et impacts environnementaux (émissions de CO₂, utilisation des ressources, biodiversité), sociaux (conditions de travail, droits de l’homme), et de gouvernance (transparence, éthique des affaires).

Cette étape implique d’étudier comment ces enjeux peuvent affecter l’entreprise (matérialité financière) et comment les activités de l’entreprise influencent ces mêmes enjeux (matérialité d'impact). La consultation des parties prenantes est également cruciale ici pour obtenir une vision complète et enrichie des enjeux perçus comme importants par les clients, employés, investisseurs et autres acteurs concernés.

3. Sélectionner les enjeux ESG matériels

Une fois les enjeux ESG identifiés, l’étape suivante est de sélectionner ceux qui sont les plus matériels pour l’entreprise. Cette sélection doit prendre en compte :

L'importance des impacts sur l'environnement et la société : Les enjeux ayant un fort impact négatif ou positif sur l'environnement ou la société sont à prioriser dans le cadre de la matérialité d'impact.

L'importance des enjeux pour la performance financière : Les enjeux qui présentent un risque ou une opportunité financière significative pour l'entreprise sont prioritaires dans le cadre de la matérialité financière.

Pour visualiser cette sélection, de nombreuses entreprises utilisent une matrice de double matérialité. Cette matrice place les enjeux sur un graphique en fonction de leur importance pour la société et pour les performances financières de l’entreprise. Elle permet ainsi de mettre en évidence les priorités ESG et de les intégrer dans la stratégie de durabilité.


Conclusion

L’analyse de double matérialité est devenue une exigence incontournable pour les entreprises européennes sous la CSRD. Elle permet d’aller au-delà du simple reporting financier en intégrant les impacts de durabilité dans une perspective globale et en répondant aux attentes croissantes en matière de transparence et de responsabilité. En appliquant cette approche, les entreprises renforcent leur crédibilité, anticipent les risques et opportunités liés aux enjeux ESG, et contribuent à une économie plus durable.

L'intégration de la double matérialité dans la stratégie de l’entreprise nécessite des efforts, mais elle offre également l'opportunité de créer de la valeur et de se positionner en tant qu’acteur responsable dans le paysage économique européen.